Un article concernant des recherches sur les effets thérapeutiques de la forêt. « bains de forêt » - Texte: Pascale Jourdan.
Connaissances, Lieu, Nature, Spécial
La forêt nous soigne
Nous sommes tous épuisés, bouleversés par le deuil à venir. Notre mère, elle, fatiguée de porter sur ses épaules le poids de l’attention et des soins à prodiguer jour et nuit, mon frère et mes soeurs, eux, éreintés d’organiser la suite par les allers-retours à l’hôpital et d’autres comme moi blessés d’être mis de côté car la Covid impose des exclusions. Ma soeur propose que l’on se retrouve dans la forêt de Mirwart près de Saint-Hubert pour un bain de forêt en famille guidé par Patrice, un ancien de la légion étrangère. On ne sait jamais, ça pourrait faire du bien !!!
Sceptique mais curieuse de cette proposition de sortie bobos-écolos bien branchés, j’enfile mes chaussures de marche et je les rejoins. Le guide est sympa, délicat, il écoute les raisons de notre venue et nous invite à compléter un questionnaire sur notre état d’esprit et notre état physique du moment. Il nous invite à quitter le monde du techno-stress, autrement dit, à éteindre nos gsm ou les positionner sur le mode avion, à oublier l’idée de prendre des photos et à le suivre pour une marche lente de 2 à 3 heures. Il nous invite à ouvrir tous nos sens mais je me rappelle surtout du travail sur la respiration qui nous a permis d’oublier les pensées que nous ressassions. A plusieurs reprises, il nous a rappelé son invitation à marcher le regard pointé vers l’horizon et non vers le sol que nous foulions. Il nous invitait à porter notre regard vers notre avenir ou notre devenir.
« Se fondre dans l’immensité du ciel, se perdre dans le dédale d’une écorce, disparaître dans l’intimité d’une fleur comme Alice qui passe de l’autre côté du miroir et se retrouve au pays des merveilles. Savourer la fraîcheur de l’instant sans s’égarer dans les mille et un ailleurs de la distraction (…). En somme s’émerveiller de tout, du rien, du simple, de la feuille, de la brindille, du rocher, … »
Matthieu Ricard le moine bouddhiste, contemplatif, écrivain, généticien, photographe.
J’ai aussi le souvenir de son invitation à sentir la mousse, la sève, la terre et le bois, à prendre une brassée d’humus et la porter à nos narines pour sentir le parfum qui s’en dégage, à tremper les orteils dans l’eau de source, mais aussi à rester immobile pour écouter les sons de la nature. Je me rappelle enfin de ce moment privilégié où curieusement des papillons blancs sont apparus au détours d’une flaque d’eau et nous ont accompagnés jusqu’à la clairière où nous sommes tombés en émerveillement devant un chêne centenaire. Au bout de 2 heures 30 de marche, nous faisons le point, actualisons notre questionnaire POMS, outil de mesure du bien-être psychologique, comparons les scores de départ et d’arrivée et notre réaction est unanime, quand retourne -t-on en forêt? La forêt ardennaise est magnifique, bien balisée, elle marque désormais nos weekends. J’ai l’intuition que la forêt peut nous aider plus que nous le pensons mais encore faut-il disposer d’éléments cartésiens pour le démontrer. Mes recherches me conduisent au pays du Soleil-Levant.
Le Shinrin-Yoku ou bain de forêt
Est une sorte de pont entre le monde naturel et soi-même, une ré-initiation du monde intérieur. Cette thérapie douce nous vient du Japon où vit l’arbre le plus vieux de la planète, le Jomon sugi, situé sur la petite île de Yakushima et dont le grand âge est estimé entre 2000 et 5000 ans, voir selon certains experts à 7000 ans !
Les 2/3 de l’archipel japonais sont couverts de forêts et influencent considérablement la vie quotidienne, la culture, la philosophie et les religions. D’après les 2 religions officielles du japon, le bouddhisme et le shintoïsme, la forêt est le royaume du divin. Selon la tradition du bouddhisme, les textes sacrés sont inscrits dans le paysage, Le shintoïsme, quant à lui, se base sur le fait que les esprits ne sont pas séparés de la nature. Et c’est ainsi que le folklore japonais porte sur les « kodama », sortes de divinités de la nature qui vivent dans les arbres, un peu comme des dryades grecques. La connaissance des arbres dans lesquels vivent les kodama se transmet de génération en génération et les arbres sont protégés.
Voir le film d’animation à succès: La Princesse Mononoké qui raconte la lutte épique entre l’humanité et la nature.
Au début des années 1980, le Japon est connu pour la promiscuité extrême de sa vie quotidienne. En effet, 78 % des japonais habitent en ville : Tokyo, Osaka, Nagoya. Or, il est établi que plus nous vivons en ville, plus nous sommes stressés, plus il y a de risques de tomber malade, de souffrir d’addictions, de solitude, de dépressions, de burn-out, de suicides, et d’être victime de karoshi: mort par surmenage au travail.
Le Japon a le triste privilège d’être le 2 ème pays au monde où le taux de suicides est le plus élevé.
En 1982, le Ministère de la Santé japonais lance des recherches sur les effets thérapeutiques de la forêt et met en place un vaste programme de santé national, dans lequel sont conçus et développés les shinrin-yoku, littéralement : « bains de forêt ».
Dans son livre intitulé L’art et la science du bain de forêt, le Dr Qing Li nous apprend que des études ont démontré que le Shinrin yoku permet de :
- Diminuer la pression artérielle et le stress.
- Améliorer les fonctions cardio-vasculaires et le métabolisme.
- Diminuer le taux de glycémie.
- Améliorer la concentration, la mémoire et la créativité.
- Faire disparaître la dépression.
- Diminuer le seuil de la douleur.
- Donner plus d’énergie.
- Faciliter la perte de poids.
- Renforcer le système immunitaire via l’augmentation du nombre de cellules tueuses naturelles (cellules NK – type de lymphocyte qui doit son nom à sa capacité à attaquer et éliminer les cellules indésirables, virus, cancer. Dans la première étude menée par le Dr Qing Li à Liyama au bout de trois jours et 2 nuits passés en forêt, l’activité des cellules tueuses naturelles a été augmentée de 52,6%.Le nombre de cellules tueuses naturelles a été augmenté de 50%.
- Accroître la production de protéine contre le cancer.La présence de la protéine anticancer granulysine avait augmenté de 48%, la granzyme A de 39%, la granzyme B de 33% et la perforine de 28%.